Préambule
Les 250 participants — femmes de la montagne, membres des organisations de la société civile et ONG, décideurs, chefs d’entreprise, professionnels des médias, chercheurs, représentants des organismes de développement et bailleurs de fonds — participant à la conférence « Hommage aux femmes de la montagne à Thimphu »(Bhoutan), du 1er au 4 octobre 2002, organisée dans le cadre de l’Année internationale de la montagne, soumettent la Déclaration de Thimphu ci-après au Sommet mondial de la montagne de Bichkek (BGMS), et invitent la communauté internationale à:
- Inscrire les perspectives des femmes de la montagne et les principes d’égalité des sexes et l’intégration des femmes au développement dans la Déclaration de Bichkek;
- Renforcer l’influence des femmes de la montagne dans les décisions ayant trait aux affaires publiques et garantir une forte présence féminine dans tous les partenariats; et
- Créer des réseaux de solidarité et approuver et promouvoir le Partenariat mondial des femmes de la montagne.
Déclarent que:
- Sans les femmes, il est impossible d’obtenir un développement
durable des zones de montagne. Les femmes détiennent des connaissances
cruciales sur l’utilisation des ressources, sur les systèmes de santé
traditionnels, et sur les coutumes sociales, culturelles et
spirituelles. Leurs activités productives contribuent à l’économie, au
développement de la famille et de la communauté; elles créent des
solutions novatrices pour affronter le changement dans des conditions
physiques et politiques rigoureuses. Dans de nombreuses régions
montagneuses, elles constituent plus de 50 pour cent de la population.
- Sans la paix, sans un environnement intact et non contaminé, et
sans sécurité alimentaire qui subissent actuellement de fortes
contraintes dans les zones montagneuses de toute la planète, il est
impossible pour les femmes de la montagne de prendre soin de leurs
familles, de maintenir leurs moyens d’existence, de mener des activités
commerciales, de contribuer au bien-être de leurs communautés, et de
protéger leur environnement.
- Sans l’égalité entre les sexes et la justice sociale, et sans
un cadre social, politique, juridique et économique propice, les femmes
de la montagne ne sont pas entendues voix au chapitre, et ne peuvent
exercer les droits qui leur permettent de contribuer pleinement à
l’essor de la communauté et à la conservation des ressources naturelles
et culturelles.
- Sans accès aux services de santé, à l’instruction, à la
formation, aux loisirs et aux infrastructures adéquates – l’eau,
l’hygiène, les routes, les marchés, le crédit, l’éloignement et les
barrières physiques de l’environnement montagneux, la pauvreté et la
marginalisation sociale et politique qui y règnent fréquemment – la
capacité des femmes de remplir leurs rôles est gravement compromise.
- Sans politiques, réseaux, partenariats et alliances efficaces à l’échelle locale, nationale, régionale et internationale, la marginalisation économique, sociale et politique des femmes de la montagne continuera à entraver leur développement comme celui de leurs communautés.
Ces réalités sont à peine reconnues, voire niées dans certaines régions. En outre, les femmes ne sont pas suffisamment intégrées dans les processus de planification et de décision à tous les échelons, et n’ont ni accès aux ressources, pas plus qu’elles n’en ont le contrôle ou la propriété.
Ceci étant, nous exhortons les Nations Unies, la communauté internationale, et les autorités et organisations régionales, nationales et locales à:
- Tenir compte des opinions et des problèmes des femmes de la montagne et de leurs perspectives sur la paix, sur l’utilisation des ressources naturelles, et sur la mise en valeur durable des zones de montagne;
- Fournir l’appui institutionnel et financier pour une action future sur les principes de l’égalité entre les sexes et de l’intégration des questions de genre;
- Renforcer le droit des femmes de la montagne aux ressources et raffermir leur rôle au sein de leurs communautés et cultures; et
- Promouvoir les opportunités économiques et technologiques pour l’autonomisation des femmes de la montagne.
Nous recommandons les mesures suivantes:
- Informer les femmes de la montagne de leurs droits en tant qu’êtres
humains, notamment de leurs droits politiques, économiques, leurs droits
liés à la propriété, leurs droits environnementaux, sanitaires,
culturels, intellectuels et autres, et leur offrir une formation
adéquate pour revendiquer ces droits;
- Promouvoir et faire appliquer des lois équitables pour les femmes et des pratiques sociales dans les zones de montagne;
- Recommander que les politiques et lois confèrent aux femmes de
la montagne des droits politiques, sociaux et économiques égalitaires.
Veiller à ce que ces politiques et lois existent pour des aspects ayant
trait en particulier au bien-être et aux droits de la femme;
- Promouvoir la représentation équitable des femmes de la
montagne dans tous les organes décisionnels, et préconiser leur
participation aux négociations et aux décisions à tous les niveaux, y
compris dans la prévention et la résolution des conflits;
- Garantir que les programmes de santé sont axés sur les droits
d’hygiène de la reproduction et les droits sexuels des femmes de la
montagne, notamment le virus VIH/SIDA, et encourager la participation
des hommes dans la prévention desdits problèmes;
- Affronter les droits des femmes de la montagne ayant trait à la
santé sexuelle et reproductive, et soutenir les soins de santé et
l’assurance communautaires;
- Renforcer la sensibilisation et l’appréciation des questions
d’égalité entre les sexes et les pratiques sanitaires traditionnelles
parmi toutes les catégories de professionnels de la santé;
- Intégrer les systèmes de connaissances autochtones dans
l’enseignement officiel, et mettre au point des programmes
complémentaires, souples et spécifiques au contexte, comprenant des
connaissances locales et pratiques, et employer le personnel enseignant
autochtone;
- Promouvoir la communication entre les femmes de la montagne et
les communautés tout en empêchant l’érosion de la diversité
linguistique;
- Encourager la recherche et diffuser les résultats des
connaissances locales des femmes de la montagne dans les systèmes
culturels et religieux, dans l’utilisation des ressources naturelles,
dans les techniques traditionnelles d’agriculture et de conservation, et
dans les pratiques sanitaires;
- Collecter et documenter les données ventilées sur les habitants
de la montagne (par sexe, âge, région, etc.) dans tous les domaines.
- Garantir un accès renforcé à l’information sur les activités
commerciales, marchés, technologies, et autres opportunités
rémunératrices qui utilisent et conservent la diversité des
environnements de montagne, et promouvoir des programmes de formation et
des services sociaux pour répondre aux exigences des femmes de la
montagne;
- Encourager et promouvoir le commerce équitable et éthique dans
les régions de montagne afin de garantir que les producteurs tirent une
juste part des bénéfices issus de la vente de leurs produits;
- Promouvoir la paix pour empêcher aux femmes de la montagne et à
leurs familles de souffrir des conséquences des conflits armés,
éradiquer le trafic des femmes et des enfants dans les zones de montagne
pauvres ainsi que la violence domestique, et promouvoir des programmes
sociaux visant à vaincre les pratiques culturelles violentes;
- Promouvoir les infrastructures physiques et sociales (routes,
électricité, télécommunications, marchés, soins de santé, écoles, etc.)
qui tiennent compte et soient sensibles aux besoins des femmes de la
montagne et accroissent leurs possibilités de revenus et leur
entreprenariat, réduisent leur charge de travail et améliorent leur
qualité de vie;
- Analyser et atténuer les impacts de la privatisation accrue des
ressources au sein des communautés de montagne et créer des filets de
sécurité là où les effets de la mondialisation déstabilisent les
communautés montagnardes; et
- Prévoir des budgets pour les femmes et accroître les allocations budgétaires en faveur des initiatives des femmes de la montagne visant à rendre le développement durable.
Adopté le 4 octobre 2002
Thimphu (Bhoutan)